La Vieille qui se prenait pour la Terre
Circonvolutions fantasmagoriques peut être bien visionnaires mais franchement éthyliques d'une vieille dame pleine de frénésie de fantaisie et d'évasion
Une raconterie philosophique contemporaine traversée de visions ébouriffantes, fulgurantes et célestes
Ce qui m'a amusé en écrivant "La Vieille qui se prenait pour le Terre", c'est l'idée d'une dame pas toute jeune, pas grabataire non plus, qui aime les divagations sublimes de l'ivresse et qui parfois se prend pour la Terre. Alors elle convoque un public sur son terrain de jeu sous les étoiles, se livre à une drôle de cérémonie, dessine un cercle au sol, rentre dedans, tourne en sens unique autour d'un haut tabouret, convoque aussi ses planètes chéries, leurs sert un petit coup à boire, les boit, et rentre dans un débit de paroles cathartico-délirant, nous faisant part des réflexions chroniques de la Vieille Terre face à un virus solide, indéfectible, dangereusement contagieux .. mais certainement pas éternel .
"On peut entrevoir dans cette belle vieille écumant et éructant dans son cercle, sur son trépied, la Pythie de Delphes dans l'antre de la Sybille de Cumes.
Cette aventure théâtrale illustre à merveille la mémoire collective inconsciente dont nous sommes porteurs et que ce spectacle réanime comme le ferait un mystère. La vraie vocation du Théâtre!"
Michelle Bigot
"Tremblez les sorcières reviennent!" criait un mot d'ordre féministe des sixties. Tremblez encore aujourd'hui car les sorcières jouent les Cassandre. Elles prédisent le grand effondrement. C'est ce que la vieille de Thérèse Bosc nous annonce, ou plutôt ce qu'elle mime. Car sa vieille n'est plus seulement une sorcière, ni une bacchante prise de boisson, ni une folle en délire, elle est la Terre!
On prend un grand plaisir à sa représentation, à l'instar des enfants fascinés par le méchant loup. Parce que cette histoire est poétique, que le texte sait être lyrique sans être grandiloquent. Parce que cette vieille femme prise de délire bacchique, c'est aussi chacun de nous dans ses rêves les plus démoniaques. C'est encore parce que la drôlerie de l'évocation en souligne la profonde justesse. En un mot, la vieille est sympathique et émouvante. Elle est magnifiquement intérprétée par Thérèse Bosc, avec une voix qui peut tonitruer ou murmurer, un corps qui se plie à toutes les attitudes exigées par le personnage, le texte a tant de force qu'il tiendrait tout seul sans même le secours de l'interprétation.
Saluons donc la performance en souhaitant à beaucoup de spectateurs de pouvoir profiter d'une représentation si revigorante.
Michèle Bigot
Photo de Nina Bompard
J'ai découvert Therese Bosc à la Nuit des Ours à Vallorcine l'été dernier. J'ai rarement vu un jeu aussi péchu, aussi intelligent, une comédienne qui prend des risques, qui prend son pied, sans jamais se mettre en danger personnel, bien au contraire, elle fait partie de celleux qui savent associer intensité et vulnérabilité avec jubilation de ressentir et bonheur d'exister et de transcender. Son spectacle, ici, aborde un sujet qui se trouve dans le titre. Voir une comédienne nous parler de notre bonne vieille Terre-Mère, tout en se prenant pas deux secondes au sérieux, franchement ça vaut d'être vu. Donc si vous voyez passer Therese Bosc dans vos contrées, foncez la voir jouer, c'est une masterclass.
Madeleine Bongard